Bouche de métro

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Célébration oecuménique à l’occasion du Jeûne fédéral et de l’inauguration du métro

Message des pasteurs Deléchat et Dottrens, le 21 septembre 2008, à l'Espace Flon, Lausanne 
Lecture biblique : Evangile de Luc, 5, 1-11

Avec les pasteurs Guy Dottrens et Daniel Rouzeau, l’abbé François Dupraz, le diacre orthodoxe Alexandre Sadkowski et le pasteur méthodiste Martial Deléchat.


Il y a foule ce jour-là sur les rives du lac de Génésareth ; les gens sont venus des villages et des villes de toute la contrée…

Il y a bien du monde aujourd’hui aussi à Lausanne sur les rives du bleu Léman ; les gens sont venus de tous les quartiers de la ville, mais aussi des villes et villages de tout le canton, de plus loin peut-être…      

Au lac de Génésareth ils sont venus, attirés par la rumeur, animés par la curiosité, l’admiration ou encore l’espérance soulevée par les promesses d’un homme qui prétend mettre en œuvre le monde nouveau tant attendu mais jamais réalisé.

A Lausanne, ils sont venus, attirés par le battage médiatique, animés eux aussi par la curiosité, l’admiration ou encore l’espérance soulevée par les promesses de ce nouveau métro très attendu et bientôt réalisé…

Ce jour-là au bord du lac de Génésareth, quelque chose de tout nouveau commence : Jésus inaugure le règne de Dieu, magnifique ouvrage de la technologie divine, mis au service de toute la population - et de tout le canton, et même plus loin… - : il change radicalement le regard sur le monde, il bouscule les habitudes, il renouvelle les relations ! Ce jour-là à Génésareth, on inaugure une nouvelle manière d’habiter la vie !

Aujourd’hui à Lausanne, quelque chose de tout nouveau commence : on inaugure le M2 : magnifique ouvrage de la technologie humaine, mis au service de toute la population : il modifie le visage de la ville, il bouscule les habitudes, il favorise les déplacements, il multiplie les relations ! Aujourd’hui à Lausanne, on inaugure une nouvelle   manière d’habiter la ville.

Curieusement Jésus prend du recul, il monte dans une barque, il s’éloigne de la rive : il ne prend pas un bain de foule, il ne se laisse pas griser par le succès ; cet homme-là ne recherche pas l’admiration pour lui-même, il est indifférent à la séduction comme au pouvoir…: il prend du recul, comme pour mieux rester attentif à l’essentiel, comme pour mieux porter la question qui l’habite…

Ce matin nous chrétiens souhaitons aussi, avec d’autres, prendre un peu de recul pour bien rester attentifs à l’essentiel, pour nous poser ensemble la question qui nous habite les uns et les autres :

Pour quelle vie vivons-nous ?

La foule s’est déplacée pour lui : le M2, c’est une technologie de pointe, c’est un exemple admirable des compétences et des ressources humaines, et il est bon de célébrer, de se réjouir, de faire la fête, tous ensemble. Mais il est bon aussi de s’interroger : tout ça pour quoi ? en vue de quoi ? de quelle vie ? aller toujours plus vite ? Travailler toujours plus, consommer toujours plus ? 60'000 personnes par jour à la gare du Flon, c’est pour plus de chacun pour soi ou plus de fraternité ?

La foule s’est déplacée pour lui : Jésus va créer la surprise, entraîner cette foule dans une autre dimension, dans un déplacement du regard…
De toute la nuit, les pêcheurs n’ont rien pris, ils sont rentrés bredouilles, fatigués, et ils savent bien que ce n’est pas en plein jour que cela ira mieux… et lui, ce fils de la campagne qui n’y connaît rien aux métiers du lac. il demande à Pierre d’avancer jusqu’en   eaux profondes !

Avancer jusqu’en eaux profondes : combien de fois ne sommes-nous pas tentés de rester à la surface ? De soigner notre apparence, faire, bouger, consommer, travailler, se divertir, toutes ces exigences qui si souvent nous font juste oublier d’être… Chaque jour le métro nous emmènera dans les profondeurs lausannoises. Avec Pierre, le Christ nous emmène   jusque dans le cœur profond de notre être et de notre vie…

Pierre hésite, se pose des questions : « attends, il ne va quand même pas m’apprendre mon métier, il voudrait me faire pêcher à cette heure là ? Mais c’est à rebours du bon sens ? On ne brave pas comme ça les lois de la nature ! Son truc c’est la religion, alors qu’il y reste ! Qu’il ne vienne pas se mêler d’un domaine où il est incompétent…en même temps, il n’a pas l’air de me prendre pour un nul, il n’a pas l’air non plus de fanfaronner. Il y a dans sa voix une telle autorité…aurait-il quelque chose d’essentiel à m’apprendre ? Après tout qu’est-ce que je risque… Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais jeter les filets… »

Comme Pierre nous avons hésité. Et comme vous peut-être nous nous posons des questions : depuis quand les églises seraient–elles compétentes pour dire quelque chose de pertinent à propos du M2 ? Que l’Evangile reste dans les églises et le métro dans ses stations et la ville sera bien gardée !   
A moins…à moins que quittant la surface des choses, le Christ nous invite à nous poser cette question essentielle : pour quelle vie vivons-nous ? Comment habitons-nous notre vie, comment habitons-nous notre corps, nos relations, notre couple, notre famille, notre métier, notre retraite, comment habitons-nous notre santé, notre maladie, notre jeunesse, notre vieillesse ? Comment vivons-nous les différences, dans l’église, dans la ville ? Comment habitons-nous notre monde, avec quel regard sur la création, sur les riches, sur les pauvres, jusqu’à trop riches, jusqu’à trop pauvres…

Pierre fait le pas. Il accepte de ne pas s’accrocher à son savoir-faire, à son expérience. Il lâche ses préjugés, il accepte de se laisser entraîner sur un terrain inconnu, il fait confiance… Et c’est dans ce mouvement d’abandon qu’il découvre l’abondance… un tel foisonnement de poissons que ses filets se déchirent… Là où on laisse Dieu être Dieu la vie déborde toujours en nourriture de bonheur pour tous…

 Faire le pas de la confiance en Christ, c’est la chance qui nous est offerte aujourd’hui encore. Si quelqu’un entend en ce moment cette parole il reçoit la chance de retrouver la source cachée d’une vie nouvelle avec un bonheur tout neuf : 
Il y a de la vie pour tous, 
il y a de la place pour tous, 
il y a de la nourriture et de l’eau pour tous, 
il y a de la dignité pour tous, 
il y a de l’amour pour tous.   Chaque fois qu’on aime Dieu, chaque fois qu’on laisse Dieu être Dieu, l’espérance jaillit jusqu’à faire craquer les filets de nos peurs, de nos frilosités, de nos égoïsmes, de nos ségrégations.

Dans la profondeur de notre cœur, le « aime Dieu » va transformer notre manière d’habiter la vie, d’habiter la ville. Amen

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