Méditation

"Je suis la vérité"
(Jean 14.6)

A première vue, on pourrait s'étonner d'une telle déclaration et la juger un peu hautaine et un tant soit peu prétentieuse. Comment un homme peut-il affirmer être la vérité? Comment un homme peut-il prétendre posséder la vérité? N'est-ce pas un peu orgueilleux? N'est-ce pas faire preuve d'une mégalomanie insensée? A première vue, oui.
Mais il faut dire que cet homme n'est pas n'importe quel homme.
Jésus peut prétendre à la vérité, il peut affirmer être la vérité, 
- non seulement parce qu'il est le Fils de Dieu, 
- non seulement parce qu'il proclame la vérité,
- mais aussi parce qu'il a vécu dans la vérité,
- et aussi et surtout, et c'est cela que je veux retenir dans cette méditation, Jésus peut prétendre à la vérité, il peut affirmer être la vérité parce qu'il a été vrai en toutes choses et envers tous.
Et premièrement, il a été vrai envers lui-même, il a été lui-même, 
- il n'a pas voulu être ce que les hommes ont voulu faire de lui, 
- il n'a pas dit ce que les hommes voulaient lui faire dire, 
- il n'a pas joué le ou les personnages qu'on voulait lui faire jouer, 
- il est resté fidèle à ses convictions et à sa mission sans pour autant les imposer, mais en payant le prix, et quel prix, de cette authenticité profonde envers lui-même.
Il a été vrai avec les autres, il s'est montré tel qu'il était:
- il n'a pas caché ses faiblesses, 
- il n'a pas dissimulé ses questions et ses doutes, 
- il ne s'est pas grimé du joli maquillage de la conformité tiède de la société,
- il ne s'est pas retranché derrière le masque hypocrite de la religion formaliste ou intégriste.
Il a été vrai avec les autres, sans favoritisme, sans parti-pris, sans faire de différence entre ceux qui s'approchaient de lui.
Il a été vrai envers Dieu. Autant dans sa joie de servir que dans sa soumission volontaire, autant dans son engagement que dans les "pourquoi" que le Fils a fait monter vers son Père.
Jésus a été vrai envers lui-même, envers les autres, et envers celui qui l'a envoyé vers nous.

Et dans cette vie véritable ­ parce qu'on ne peut pas vivre véritablement si l'on n'est pas vrai ­ Jésus a dit certaines vérités pas faciles à entendre à ceux qui n'étaient ni vrais envers eux-mêmes, ni vrais envers les autres, ni vrais envers Dieu.
Il n'y a pas de vie véritable quand elle est vécue dans le mensonge ou sur le mensonge, dans les demis-teintes, dans les retournements de veste, dans les faux-semblants. Derrière les masques, on finit toujours par étouffer un jour ou l'autre ; derrière les murs protecteurs de nos prisons, finissent toujours par pousser le chiendent et autres mauvaises herbes et racines amères.
Si nous proclamons "Jésus est la vérité", si nous voulons témoigner de la vérité de Jésus, alors:
- nous devons être vrais;
- nos actes doivent être en accord avec nos paroles, nous devons être cohérents entre l'extérieur et l'intérieur; 
- nous devons entrer dans une démarche de vérité et d'honnêteté envers nous, envers les autres et envers Dieu, et inviter les autres à vivre ainsi.
Mais, Seigneur, il n'est pas facile d'être vrai, ce n'est pas si simple d'enlever nos masques, il y a risque de souffrance, il y a le risque de la croix sur nos vies.
Être vrai, c'est risqué; mais c'est le risque de la vie, de la joie et de la liberté. "La vérité vous affranchira", dit encore Jésus. Est libre celui qui est vrai.
"Je suis la vérité". Et aujourd'hui, demain, chez nous, dans nos Églises, dans le monde, le Seigneur nous invite, tout en nous y accompagnant, à entrer dans cette démarche de vérité envers nous-mêmes, envers les autres, et envers Dieu, sans l'imposer aux autres, en respectant la "vérité" de la vie de l'autre, et sans croire y être arrivé une fois pour toutes.
Vivre dans la vérité, être vrai, c'est là le chemin, et il conduit vers la vie !

René LAMEY