Le billet d'humeur

“Edvige : un si joli prénom !”, par le pasteur Grégoire Chahinian

Fichage et catalogage des citoyens sont mis en oeuvre dans le fichier Edwige. Cette tendance inquisitoriale nous guette tous. Mise en garde salutaire du pasteur G. Chahinian.

Fichage généralisé

Au cours de l’été dernier (2008), un décret gouvernemental a autorisé le Ministère de l’intérieur à créer un fichier de données comportant des informations à caractère personnel. Cette base de données a été baptisée du joli prénom EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale). Puisque deux des services majeurs sécuritaires de l’État ont été fusionnés (à savoir : les Renseignements généraux et la Direction de la surveillance du territoire pour former la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur), il semblait logique de donner à ce nouveau service les moyens de bien fonctionner contre le terrorisme et l’espionnage.


Trois catégories de personnes peuvent être recensées dans EDVIGE :

1. les personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l’exercice de leurs responsabilités ;

2. les individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ;

3. les personnes physiques ou morales, faisant l’objet d’enquêtes administratives avant de pouvoir exercer des fonctions ou se voir confier des missions à caractère public. (Sources : legifrance.gouv.fr et fr.wikipedia.org).

Protestation généralisée

La mise en place de ce fichier a soulevé une contestation générale dans l’opinion publique française. Des personnalités politiques de tout bord, des associations humanitaires, religieuses (ACAT, CFCM, Cimade, CRIF, FPF, Secours catholique, UCJG, etc.) ont disqualifié ce fichier en argumentant sur les principes du droit à l’intimité de tout individu et à la non-discrimination, du choix des critères recensés, des critères subjectifs d’évaluation et des règles d’utilisation… La CNIL et l’ONU aussi demandent au gouvernement français la révision de sa copie et une nouvelle mouture, baptisée EDVIRSP (Exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique).


Dernière minute 

Victoire : à la date du 20 novembre 2008, le fichier Edwige a été officiellement retiré. Son remplaçant, un fichier baptisé EDVIRSP, ne devrait plus inclure des données sur la santé ou la vie sexuelle ainsi que sur des personnalités exerçant un mandat ou jouant un rôle institutionnel, économique, social ou religieux « significatif ».


D’autres « jolis prénoms » 

En France, il existe plus d’une trentaine de fichiers. Certains sont spécifiques et ne nous concernent certainement pas (exemples : le FNIS, Fichier national des interdits de stade ; ou le FIJAIS, fichier judiciaire national autorisé des auteurs d’infractions sexuelles). Sur d’autres, nous y sommes présents ou ils nous interpellent, que nous le voulions ou non : la Carte vitale avec tous les systèmes médicaux informatisés, le passeport biométrique, ELOI (le fichier des étrangers en situation irrégulière, etc.). Tous ces fichiers nous renvoient inexorablement à l’une des questions fondamentales : Qui est habilité à les consulter ? Et si des mains malveillantes venaient à les pirater ? Car c’est aussi sur la base du fichier d’un policier français André Tulard, qui avait recensé communistes et juifs d’alors, que la Gestapo de Paris a organisé la rafle du Vel’d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942 !

De « jolis prénoms » aussi dans nos Églises ?

Le fichage, le catalogage – seulement dans nos esprits, bien entendu ! – peuvent aussi être présents dans nos églises. Un Tel est ainsi : il ferait bien de se remettre en question ! Une Telle ne changera donc jamais : qu’elle enlève d’abord la poutre de son œil ! Nos préjugés, partis pris, partialités peuvent s’envelopper d’habits très spirituels ou pieux pour… Nous protéger nous ! Malheureusement, ils emprisonnent nos sœurs et frères, les blessent et figent nos relations absentes d’espérance et d’amour. J’aime le conseil de Saint Benoît : prier avec chaque hôte dès son arrivée avant de lui donner le baiser de paix.

Un vrai joli prénom !

J’aime aussi cette période de l’Avent. Elle me redit que le seul qui aurait pu « figer » son appréciation sur moi a décidé de m’« assumer », de passer outre mon péché pour venir me chercher, alors que je ne pensais même pas à lui. Il se prénomme : Avocat (1Jn 2.1). Marchons dans ses traces, allons de l’« Avent », plaidons en faveur desquels il se colporte du mal…