La question sociale et John Wesley

Réflexion - John Wesley et la question sociale

JP Waechter

La mine et le travail des enfants ; ici en 1853 : « les esclaves blancs d'Angleterre ». Illustration wikipedia



Voici un court article sur la connotation sociale du méthodisme telle qu’elle ressort de la vie de John Wesley. Tout en ayant été un prédicateur hors pair, John Wesley a aussi été l’instigateur d’avancées sociales sans précédent, un progressiste courageux à la base d’initiatives humanitaires exemplaires en avance sur son temps dans sa logique de disciple passionné de Jésus-Christ.


La situation socio-économique

À l’orée de l’ère industrielle, l’Angleterre est dans une situation toujours plus critique : les classes laborieuses sont exploitées, y compris les femmes et les enfants. La misère est de règle et l’alcoolisme fait des ravages. La révolte guette la population désespérée. À la différence de la France, la Grande Bretagne évitera sur son sol une révolution sanglante par l’émergence du mouvement de réveil qu’est le méthodisme et l’entrée en scène de John Wesley et son Saint Club.

L’activité sociale


Tout commence modestement dans un cercle d’étudiants d’Oxford, le The Holy Club, déterminé à suivre Jésus à la trace auprès des plus pauvres de leur temps. En son nom, ils s’impliquent socialement au service des plus déshérités, à commencer par les prisonniers de la ville. Ils mettent également en place un fonds de solidarité sociale pour venir en aide aux grands malades comme à leurs familles dans la détresse. L’éducation étant un moyen de s’affranchir de la pauvreté, le Saint Club met en place une école primaire pour assurer l’instruction des classes sociales les plus défavorisées.

Louis Schweitzer : « Aimer, ça veut dire agir concrètement pour mon prochain ! »

Propos recueillis par Nicolas Fouquet du Service d’Entraide et de Liaison (SEL)

Louis Schweitzer est pasteur et théologien. Il enseigne l’éthique et la spiritualité à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, ainsi qu’à l’Institut supérieur d’études œcuméniques de Paris. À Nicolas Fouquet du SEL, il précise la nature de la pauvreté à combattre au nom de l’Évangile. Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le blog du SEL (blog.selfrance.org).

SEL : Qu’est-ce que la pauvreté ? Comment la comprenez-vous à la lumière de la Bible ?

Louis Schweitzer : La pauvreté est quelque chose de très variable. La notion peut être floue. On peut se considérer comme pauvre dans un pays riche en ayant infiniment plus que dans un autre pays ou dans un autre contexte. Mais j’ai l’impression que lorsque l’on parle de pauvreté dans la Bible, on parle surtout de personnes qui sont dans le besoin. On peut très bien imaginer quelqu’un qui choisit la pauvreté, qui veut vivre avec très peu de choses. Et je crois que d’une certaine manière c’était le cas de Jésus quand il était avec ses disciples. Il était pauvre puisqu’il vivait en quelque sorte grâce à un certain nombre de personnes qui étaient autour du lui. Mais il s’agissait d’une pauvreté qui était délibérée, qui était volontaire. C’est ce que l’on pourrait qualifier de pauvreté au sens positif du terme et, par conséquent, elle ne relève pas de la préoccupation spécifique du SEL.

La suite sur le blog du SEL


Ses initiatives sociales : collectes, travail médical, Caisse de Prêts, lutte contre le chômage

Évolution ultérieure

Au fur et à mesure de son existence, John Wesley ne se départira jamais de son engagement social tout en changeant de motivation : au lendemain de sa conversion, il comprendra l’engagement social comme la résultante du salut par la foi plus que comme sa cause efficiente.

Ses initiatives sociales

Fort de cette expérience majeure, John Wesley se sait l’obligé de tous, à commencer des économiquement faibles : « si je devais choisir mon auditoire, je prêcherais en priorité l’Évangile aux pauvres ». L’engagement social faisant partie intégrante à ses yeux du devoir spécifiquement chrétien, il entraînera les églises méthodistes dans son sillon. Au sein des nouvelles « classes méthodistes », John Wesley met en place des collectes hebdomadaires dont le produit sert d’aide d’urgence aux nécessiteux du coin.

Dieu veut nous utiliser aujourd’hui comme les instruments de sa tendresse pour l’avancement de son Règne d’amour.

Autre mesure sociale envers les plus pauvres a été la mise en place de dispensaires médicaux à Londres et à Bristol (1746/47), leur offrant soins et conseils sanitaires gratuits.

Opposé fermement à l’usure largement pratiquée en ce temps-là, John Wesley met en place une Caisse de Prêts offrant des prêts gratuits aux plus pauvres sans intérêts le premier trimestre et ensuite avec une charge minime, une forme de micro-crédit avant le temps.

Autre champ d’action dans lequel John Wesley se lance, se donnant des airs de pionnier de la modernité, la lutte contre le chômage jugé comme étant à l’origine d’une grande partie de la pauvreté ambiante. ll a ouvert un service de type Pôle Emploi où les demandeurs d’emploi étaient mis en relation avec des employeurs. Cette action, même étalée dans le temps, est restée néanmoins une expérience isolée. Elle n’en est pas moins exemplaire : elle nourrit notre réflexion aujourd’hui, maintenant que le spectre du chômage hante tous les esprits.

Partage des richesses

Dans ses interventions répétées, John Wesley invite les riches présents à ses meetings à se laisser attendrir par les détresses de leurs semblables et de ne surtout pas les fuir par dureté de cœur comme par ignorance feinte. À ses yeux, il appartient à tous de mettre en lumière les causes de ces dysfonctionnements sociaux et d’encourager dans tous les rangs l’engagement militant, la «compassion» qui surgit d’un cœur qui aime son prochain.


La Bible contient de nombreux versets qui incitent à se soucier des pauvres. Pourtant, il nous arrive parfois de nous arranger un peu avec les textes…

Ce dessin fait partie d’une collection de dessins publiés par le SEL sur son blog (blog.selfrance.org).  En se lançant ainsi dans le dessin, le SEL souhaite interroger différemment notre regard sur la pauvreté. Retrouvez davantage d’illustrations sur ce blog.

Responsabilité individuelle

John Wesley a énoncé clairement les 3 règles qui régissent la vie du croyant sur le plan économique : « acquiers autant que tu peux, épargne autant que tu peux ; donne autant que tu peux ». Voilà en résumé les règles de vie que John Wesley s’est imposées et qu’il a largement répandues par ses interventions publiques.

Le sens et le bien-fondé des deux premières règles ne ressortent qu’à la lumière de la troisième : « donne autant que tu peux ! » Pour lui, tout bien ou tout revenu supérieur au nécessaire vital doit revenir au soulagement des détresses sociales.

John Wesley en appelle par conséquent à une gestion saine des dons et des talents, des biens et des revenus que Dieu nous confie en pointant du doigt l’exigence incontournable : l’amour du prochain.

La responsabilité de l’État

Dans sa campagne pour la moralisation publique et l’assainissement des mœurs, John Wesley fait appel au pouvoir central de l’État : il appartient à l’État de mettre un terme à la distillation sauvage, de veiller à une meilleure répartition des biens et de créer pour les plus pauvres des postes de travail. Il est aussi de la responsabilité de l’État de réduire le fossé entre classes sociales par la réduction drastique des pensions comme par la réduction du train de l’État. John Wesley prône la levée de tout monopole dans l’économie et la réduction des impôts indirects qui grèvent avant tout les revenus des gens les plus pauvres. Ces propos courageux et étonnamment modernes, John Wesley les a tenus aux autorités en place avec courage et détermination.

Il sera également en première ligne pour demander l’abrogation de l’esclavage, réclamant un traitement égal entre êtres humains, quels qu’ils soient, blancs ou noirs, en raison de leur statut même de créatures de Dieu, comme au nom de la justice et la compassion de Dieu.

Conclusion

Conquis par l’amour de Dieu en Jésus-Christ, John Wesley s’est livré à un combat sans merci ni répit contre le mal social. Quand bien même l’annonce du salut en Jésus-Christ est restée la note dominante de son ministère, il a aussi défendu ardemment le volet social ; l’homme auquel il s’adresse est à ses yeux une individualité respectable ; et ses besoins, même matériels, ne peuvent ni ne doivent être méprisés. Gratuitement justifié par la foi en Jésus Christ sous l’effet de la grâce de Dieu, John Wesley s’en est allé sur les chemins de la loyauté et du service des plus pauvres et des plus marginaux. Quelle leçon, quel encouragement pour nous au XXIe siècle qui côtoyons encore tant de détresses : Dieu veut nous utiliser aujourd’hui comme les instruments de sa tendresse au même titre qu’Il a utilisé John Wesley pour l’avancement de son Règne d’amour.

BRÈVE BIBLIOGRAPHIE

  • Manfred MARQUARDT, « Praxis und Principien der Socialethik John WESLEYS » (Göttingen. 1986)
  • Matthieu LELIEVRE, « La théologie de WESLEY » (Nîmes, 1990)
  • Louis J. RATABOUL « John WESLEY, un anglican sans frontières » (Nancy, 1991)
  • C. J. BERTRAND « Le Méthodisme » (Nancy, 1971)
  • G. HARKNESS « The Methodist Church in Social Thougt and Action » (Nashville, 1964)
  • W. J. WARNER « The Wesleyan Movement and the lndustrial Revolution » (Londres, 1930)