Billets d'humeur

Solitude délibérée
Jean-Ruben Otge

Pasteur

Ah... je ne veux pas parler de ces situations où l'on est contraint de vivre la solitude, tels la mise à l'écart forcée, le célibat non désiré, une séparation familiale non consentie ou la vieillesse. C'est vrai que de nombreuses situations pèsent dans la vie sans qu'on les ait librement souhaitées.
Toujours est-il que la proportion de personnes seules dans notre société augmente. Et c'est dramatique pour elles ; mais également symptomatique d'une mentalité qui gangrène jusqu'à nos communautés chrétiennes...
Notre société fait tout pour isoler la personne. L'individualisme est porté aux nues ; et même s'il est décrié, il est largement pratiqué ! La télévision pousse à la passivité et au repli sur soi (le fauteuil en face est bien souvent la place la plus chaude de la maison) et casse déjà les relations au sein même d'une famille. Le revers de l'insistance sur la foi personnelle peut être une autre raison du repli sur soi.
Trop facilement je constate la mise à l'écart quand il y a désaccord, que ce soit au sein du couple, de la famille ou d'une Eglise.
C'est l'isolement également lorsqu'on se fait des reproches quant à son attitude et qu'on devine (à tort ou à raison) le regard accusateur des autres.
On peut constater chez certains (c'est plus facile à voir cela chez les autres...) un état de solitude délibéré quand ils manifestent un désengagement, style l'apôtre Pierre qui, malgré ses promesses, suit Jésus « de loin » ...Aïe, aïe, aïe ! Ou Jonas qui est à fond de cale (tout en étant à l'arrêt) dans son navire, enfermé dans sa bulle.
La dépression est un autre état qui pousse (et là sans que ce soit toujours délibéré) à se couper des autres ; c'est ce qu'a vécu le grand prophète Elie : il a connu d'abord la peur qui l'a conduit à la solution « désert » (1R 19) où il s'isole dans sa caverne et dans son orgueil (« Je suis resté seul fidèle »). Dieu d'abord lui montre que c'est faux et puis il l'envoie vers les autres.
En définitive, comme l'écrivait le poète Paul Valéry, « un homme seul est en mauvaise compagnie » ; la solitude peut être délibérée, je ne suis pas pour autant libéré ! Et c'est dans ma relation avec les autres, dans les « liens » avec eux, que je vis un épanouissement profond.
J'aimerais me rappeler que l'antidote du repli sur soi est l'amour ; cet amour, qui se manifeste par la recherche de l'intérêt du prochain, est la solution à la solitude contrainte que vivent certains. Mère Téresa disait : «  La plus grave des maladies, ce n'est pas le cancer, c'est la solitude et le fait de ne pas être aimé, car cela ronge et empoisonne le cur » ; prendre conscience de ce que je peux apporter à ceux qui en souffrent, c'est me donner le moyen, à moi en premier, de ne pas mourir à petit feu du poison de l'égocentrisme et de l'indifférence. Ne pas comprendre cela, c'est finir par m'enfermer dans une solitude qui deviendra contrainte.
Ce matin, la prière d'un ami veuf m'a encouragé : il remerciait Dieu pour la communion avec les amis de l'Eglise et leur réconfort. Cette communion fait du bien à tous, et cela pas seulement à l'occasion de la période de Noël. Heureusement, je sais que pour m'aider à sortir de ma coquille Dieu veut renouveler en moi sa grâce qui me libère de moi-même, me transforme !

_______________

Le préfet et l'ourson
Pierre Bertololy

Lecteur régulier du « Canard enchaîné », je ne voudrais pas vous priver de l'entrefilet suivant paru dans son édition du 10 novembre 2004.
« On le sait : après la mort de l'ourse Cannelle, abattue par un chasseur, les plus hautes autorités de l'Etat se sont émues : d'abord le président Jacques Chirac, puis son ministre Lepeltier, suivi du préfet des Pyrénées-Atlantiques, Philippe Grégoire, assurant droit dans ses godillots que la grande priorité, maintenant, est la survie de l'ourson de Cannelle, âgé de 10 mois et sevré. Ce même préfet, il y a deux mois, plaçait en rétention administrative une Mauricienne en situation irrégulière, habitant en France depuis plusieurs années, mère d'un bébé de 4 mois qu'elle allaitait. L'enfant était, lui, expédié dans un foyer où la police acheminait la mère toutes les trois heures afin qu'elle lui donne le sein. Admirable décision que le tribunal de Bayonne cassait immédiatement, estimant qu'il y avait violation d'articles de la Convention des droits de l'homme, en l'occurrence « traitement inhumain et dégradant » et « atteinte à la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant  ».
Je vous fais grâce du commentaire du « Canard ». Ce qui, par contre, serait intéressant, vr serait de connaître le vôtre...