PERLES & poème 

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HOMMAGE A JEAN CALVIN

Perles

Jean Calvin (1509 – 1564)


Comment ? Celui qui a du blé en son grenier ne pourra-t-il pas donner à celui qui l’a servi et auquel il a tiré le sang et le labeur ?

(Sermon sur Dt 15.11-15)

Nous avons coutume de regarder premièrement là où l’argent peut se mettre sûrement. Mais plutôt il fallait aider les pauvres vers lesquels l’argent est en danger.

(Lettre à Claude de Sachin ; cf. Lc 6.35)

On pourra connaître un gouvernement juste et bien modéré : à savoir, s’ils font droit aux pauvres et aux affligés.

(Commentaire du Ps 82.3)

Que chacun pense qu’il est le dépensier de Dieu dans tout ce qu’il possède. (Commentaire sur Gn 2.15)

Les hommes sont nés les uns pour les autres, et par conséquent… ils doivent communiquer mutuellement pour maintenir la communauté du genre humain.

(Commentaire sur Ex 22.25)

Dieu… a soin de conserver tout le genre humain, tellement qu’il ne veut souffrir que les plus étrangers ou inconnus soient exposés à la violence des méchants.

(Commentaire sur Lv 24,22)

N’est en aucun lieu défendu ou de rire, ou de se rassasier, ou d’acquérir de nouvelles possessions, ou de se délecter avec instruments de musique, ou de boire vin.

(Institution de la religion chrétienne, chap. 19, § 9)

Poème de Ruben Saillens

Aux « Amis de Chexbres »
Pour le quatrième centenaire de Jean Calvin (1509-1909)

                             I
Laissez dormir en paix ce géant solitaire !
Il savait la valeur des gloires de la terre,
Et voulut le silence autour de son tombeau.
Pour l’honorer, tenons élevé le flambeau
Que sa puissante main secoua sur le monde :
La PAROLE DE DIEU !
Cette lueur féconde
Fit naître en tout pays des héros de la foi
Qui ne redoutaient point le pape ni le roi,
Étant prêtres et rois par la grâce divine…
Calvin les nourrissait de la pure doctrine,
Et les désaltérait au fleuve de l’Esprit
Qui jaillit du côté percé de Jésus-Christ.
Sa raison, s’inclinant devant les saints oracles,
Contemplait le reflet de Dieu dans ses miracles ;
Il adorait le Fils qui, des cieux descendu,
Pour sauver le pécheur que l’orgueil a perdu,
Rencontra le Malin dans sa force usurpée.
Le vainquit par le Livre, et n’eut pas d’autre épée !
Il disait que l’Esprit est l’unique Docteur,
Qu’il faut, pour le comprendre, être son serviteur,
Et que la grâce seule, et non pas le génie,
Révèle aux cœurs brisés ta gloire, ô croix bénie !
Le secret, disait-il, de toute liberté
Est dans l’obéissance, et si la vérité
Daigne aux yeux des mortels se montrer toute entière,
C’est lorsqu’ils sont voilés des pleurs de la prière.
Écolier passé maître à l’école de Dieu,
Il proclamait ses droits sur tout homme, en tout lieu :
Le droit de condamner le rebelle indomptable,
Celui de pardonner librement le coupable.
Il disait : « L’Eternel a parlé, taisons-nous !
Heureux qui, devant lui, sait ployer les genoux !
Il se redressera devant la tyrannie :
Par la crainte de Dieu, toute crainte est bannie ! »
Ainsi parlait Calvin, et, d’un peuple ignorant,
Il fit, en peu de jours, le peuple le plus grand
Que l’Europe ait connu…. Voici que, de Genève
L’aube des temps nouveaux, radieuse, se lève ;
Vers la noble cité viennent de toutes parts,
Pour adorer en paix derrière ses remparts,
Mille et mille échappés de l’ombre séculaire….
Les écrits de Calvin, jusqu’aux bouts de la terre,
Iront semer le Droit, la Liberté, l’Amour,
Et des peuples seront enfantés en un jour :
Fier d’avoir triomphé de l’Espagne inhumaine,
Le pavillon des Gueux sur les mers se promène ;
A la voix de John Knox, de rudes montagnards
Renverseront un trône entouré de poignards,
Et l’Écosse, chassant une reine adultère,
Deviendra le pays de la morale austère ;
Près de dolmens croulants, les vieux bardes gallois
S’enivreront de chants inspirés par la croix ;
L’Angleterre, longtemps soumise au Dieu du Tibre,
Retrouvera Wycliffe, et sera forte et libre
Par Cromwell ; et bientôt les nobles Puritains,
Ballottés par les flots et les vents incertains,
Aborderont enfin le rocher symbolique*
Pour fonder, sur la foi, la grande République !

* Le rocher où débarquèrent les passagers du Mayflower,
 et auquel ils donnèrent le nom de Plymouth. Ce rocher
Est entouré de vénération par les citoyens des États-Unis.

                                 II
Ainsi pour l’avenir, Calvin, tu bâtissais
Le temple universel, mais ton cœur de Français
Saignait pour ta patrie, et pour ses rois frivoles
Dont l’oreille était sourde à tes graves paroles….
O France ! Doux pays que le ciel généreux
Comble sans se lasser des dons les plus heureux,
Terre de gai savoir et de chevalerie,
C’est ta langue sonore et claire, ô ma patrie,
Que maniait Calvin ! Pour la première fois
Le bon peuple entendait « l’Evangile en françois »,
Et son âme s’ouvrait à la bonne nouvelle
Comme au printemps renaît la nature éternelle !
Mais le sinistre hiver n’était point achevé….
Le grain, dans les sillons, eut à peine levé,
Que les vents de l’enfer, déchaînés sur la France,
Flétrirent pour longtemps cette grande espérance….
Pour longtemps, mais pas pour toujours ! O Calvin,
Pour elle, ton labeur n’aura pas été vain,
Non plus que les douleurs, les combats et les larmes
De Farel, l’intrépide, et de vos frères d’armes :
Lefèvre, Olivetan, Bèze. Si les Valois
Dans le sang des martyrs ont étouffé vos voix,
La Parole de Dieu, de nouveau proclamée,
Fera fleurir enfin la France bien-aimée !

                               III
Hélas ! Vous avez cru qu’il vous était permis
D’immoler, pour l’honneur du Christ, ses ennemis !
 Vous n’avez pas su voir aux pages du saint Livre
Que Dieu même à l’erreur laisse le droit de vivre,
Qu’on ne peut sur la force asseoir la vérité,
Que l’amour ne naît pas d’un coup d’autorité,
Que le culte imposé n’est qu’une hypocrisie,
La raison du plus fort, une horrible hérésie,
Et qu’ayant dit : « Laissez vos glaives aux fourreaux »,
Le Christ veut des martyrs, et non pas des bourreaux !

Mais Dieu vous pardonna : l’œuvre était surhumaine,
Et vous la poursuiviez sans orgueil et sans haine !

                                IV
Et maintenant, au ciel, glorieux rachetés,
Prenez vos harpes d’or, levez-vous et chantez !
Chantez l’Agneau divin poursuivant ses conquêtes
Par de nouveaux martyrs et de nouveaux prophètes,
Toute langue ennoblie et domptée à la fois
Par la Bible inspirée et les chants de la croix….
Chantez ! Car l’heure approche, elle est déjà venue,
Où Dieu va couronner votre œuvre méconnue !
Votre esprit ne meurt pas, car c’est l’Esprit de Dieu,
Il souffle, et nul ne sait à quelle heure, en quel lieu
Naît un nouveau Calvin pour une autre Genève….

Il souffle, et, cette fois, c’est la moisson qui lève !

Fontainebleau, juillet 1909.
                                                       R. Saillens
Neuchatel
Imprimerie Delachaux et Niestlé S.A.
1909