Méditation

L’EGLISE, UNE ENTREPRISE PAS COMME LES AUTRES !

Pasteur Abdenour Aït Abdelmalek


Le pasteur A. Aït Abdelmalek aborde ici la nature de l’Église toujours encline à se dénaturer, mais constamment gardée par son suprême chef, Jésus-Christ.

Risque de se dénaturer

Plusieurs églises qui par le passé, connaissaient une fréquentation débordante ont quasiment disparu, ou plutôt, il reste des âmes brisées dont certaines ont même poussé le zèle à retourner dans leurs anciennes geôles.

Je suis convaincu qu’ici comme ailleurs cette question aussi a été à l’ordre du jour. L’Église est soumise à des avalanches de l’intérieur comme de l’extérieur. Elle a tendance à devenir subitement une arène et non plus cet espace d’épanouissement dont elle est appelée à être le témoin sans cesse. Les églises semblent soudainement se découvrir une certaine nudité provoquant gêne, honte et conflits. Certaines personnes sont scandalisées lorsqu’elles découvrent qu’elles auront à s’asseoir à côté d’autres personnes qu’elles jugent apparemment indignes ou inacceptables. Beaucoup pensent trouver à l’église des personnes plutôt à leur ressemblance et sans défauts oubliant que Jésus est d’abord venu pour ceux qui sont malades.

L’Église ne s’éteint pas parce qu’elle est persécutée, mais elle s’éteint lorsqu’elle ne fonctionne plus en tant que telle ; c’est-à-dire lorsqu’elle est dénaturée.


© Floris - Editions  des Béatitudes

Entreprise humaine ?

J’ai constaté à maintes occasions que le fonctionnement de beaucoup de nos églises ressemble à celui d’une mauvaise entreprise humaine. En effet, elle ne peut pas être bonne puisque son fonctionnement n’est pas régi par les lois économiques et ses employés n’ont pas été choisis en fonction de leurs compétences.

Alors comment va-t-on faire fonctionner une telle entreprise. Certes l’Église est visiblement constituée par des hommes et des femmes n’ayant souvent pas grand-chose en commun (caractère, tempérament,…) pour accomplir la mission la plus formidable et certainement la plus périlleuse parmi les humains. Ceci ne peut être qu’un défi que seul Dieu peut relever.

Mystère fragile et irremplaçable

Dans le passé ou actuellement, face à une certaine déchéance de l’Église, les humanistes ont tenté à juste titre de lancer un appel plus attrayant fondé sur la logique et la raison cherchant à apaiser la conscience des gens en proclamant la « bonté du genre humain », tandis que s’écrient les orateurs de la religion traditionnelle pour souligner le fait que le genre humain est foncièrement mauvais. Entre ces deux points de vue, l’Église demeure et demeurera cette entreprise probablement mystérieuse, fragile mais irremplaçable. « Par cette mise en lumière, les Autorités et les Puissances dans le monde céleste peuvent connaître, par le moyen de l’Église, les aspects infiniment variés de sa sagesse » (Ep 3.10).

En résistance

L’Église est appelée à exister dans une attitude solidaire à l’égard de l’humanité face à l’hostilité permanente du monde.

Jésus nous a prévenus : « Si le monde a de la haine pour vous, sachez qu’il m’a haï avant vous » (Jn 15.18). Cependant la promesse est là pour nous dire aussi que l’Église, avec à sa tête le Christ, restera inébranlable. Mt 16.18 « Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre j’édifierai mon Église contre laquelle la mort elle – même ne pourra rien ». À maintes reprises dans ses épîtres, Paul mentionne « l’Église de Dieu ». Ce n’est pas un hasard.

Affaire divine

Dans Ep 1.22, il est dit que « Dieu a tout placé sous ses pieds, et ce Christ qui domine toutes choses, il l’a donné pour chef à l’Église ». Avec ce dernier verset, nous voici face à la question cruciale que pose cette méditation. On ne s’approprie jamais une Église, c’est plutôt elle qui nous fait place, et qui fait place à chacun. L’Église est donc une entreprise de Dieu avec à sa tête le Christ. Si nous arrivons à méditer et à tenter de comprendre ce mystère, alors nous serons certainement moins en souci, et nous garderons nos cheveux plus longtemps sur nos têtes. Il nous est plus facile de guerroyer dans une église (plus) qu’ailleurs. Les raisons ne manquent pas.

Bannissement du jugement réciproque

Jésus, que Dieu a mis comme Chef à la tête de l’Église déclare qu’Il n’est pas venu pour juger mais pour sauver ce qui est perdu. « Si quelqu’un entend ce que je dis mais ne le met pas en pratique, ce n’est pas moi qui le jugerai ; car ce n’est pas pour juger le monde que je suis venu, c’est pour le sauver » (Jn 12.47).

Si Jésus parmi nous s’est gardé d’en être juge, je ne crois pas qu’il ait laissé à l’Église le « Ministère du jugement ». Et je considère personnellement que d’innombrables problèmes nous viennent lorsque nous essayons de pervertir l’Église de Dieu en entreprise humaine.

L’adoration à qui de droit

Jésus nous a prévenus de ne pas juger afin de ne pas être jugé à notre tour !

Quand des personnes se présentent à l’église, nous cherchons à détecter si ces personnes nous plaisent ou vont nous plaire à nous. Est-il écrit quelque part que les fidèles sont appelés à être tous des amis du pasteur quoique celui-ci est appelé à aimer et servir chacun ? Les brebis ne sont pas tenues ni d’adorer le pasteur ni de lui plaire. Ceux qui se présentent à l’église doivent avant tout plaire à Dieu qui appelle les uns et les autres à son service. En tout cela, évidemment tous sont tenus par le respect envers chacun.

Je crois profondément que c’est un acte « contre nature » et suicidaire que de chercher à s’attribuer ou à s’approprier une entité surnaturelle voulue par Dieu.

Le service privilégié

Dans une entreprise humaine, le plus grand est certainement le patron ou le pdg ; qu’en est-il dans l’église ? Pour cela, il va falloir chercher parmi les serviteurs, celui qui ne s’intéresse pas à lui-même mais qui sait s’occuper des autres. Les chrétiens, et encore plus ceux qui sont dans le service, doivent savoir qu’ils ne coexistent pas avec des amis mais avec des frères et sœurs ; ce qui signifie que nous ne nous sommes pas choisis mais nous avons tous été choisis par un Autre, par le Maître de la moisson.

Dans certaines de nos églises, des frères ont mis à disposition des locaux ou parfois leurs propres maisons. Ceci est un acte très louable notamment dans les pays hostiles à l’Évangile. Par contre, au premier conflit, ces bienfaiteurs n’hésitent pas à rappeler leur droit, non seulement sur les lieux mais aussi sur la vie de l’église.

Alors je me suis rappelé les paroles de notre Seigneur qui appelle chacun à évaluer ses propres moyens avant de s’engager dans une construction : « En effet, si l’un de vous veut bâtir une tour, est – ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera et de vérifier s’il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin ? » (Luc 14.28).

Je pense que de telles paroles devraient nous inciter à réfléchir sincèrement sur notre compréhension de l’Église ainsi que sur le type de relations que nous voulons entretenir en son sein.

L’Église, comprise comme une entreprise de Dieu, devrait donc fonctionner avec des principes et des règles établis par Dieu lui-même.

Si l’Église devait fonctionner selon les principes humains, elle deviendrait vite une entreprise humaine mauvaise et donc dangereuse.

De même que l’amour des autres

Le Seigneur ne suggère pas seulement de nous aimer les uns les autres, mais il nous en fait un commandement. Et si le Seigneur nous commande de nous aimer c’est parce que nous sommes amenés à vivre et à travailler avec des personnes peu ou pas aimables du tout.

J’ai assisté à des disputes entre collaborateurs d’une même église dans lesquelles la haine s’est exprimée d’une manière exceptionnelle par son intensité.

Primat de la grâce

L’Église ne peut vivre que de la grâce de Dieu. Elle est inconcevable autrement. Le seul fondement possible, accepté par Dieu, c’est le Christ.

« Pour ce qui est du fondement, nul ne peut en poser un autre que celui qui est déjà en place, c’est-à-dire Jésus-Christ » (1Co 3.11).

Dieu voit évidemment ceux qui vivent pour que l’Église reste fidèle à sa vocation ; c’est-à-dire ceux qui considèrent leur position comme celle d’un serviteur qui cherche à plaire à son Maître.

« Si la construction édifiée sur le fondement résiste à l’épreuve, son auteur recevra son salaire » (1Co 3.14) ; Dieu a voulu l’Église comme un signe de sa grâce et de sa bonté qu’il voudrait manifester à ceux qui ne le connaissent pas. Si des entreprises dépensent chaque année des sommes colossales pour vendre leur produit, l’Église, elle, est appelée à se donner elle-même comme signe manifeste de la présence du Dieu d’amour au milieu d’une humanité gagnée par la déchéance.

... Et de l’obéissance

Dieu ne recherche pas notre génie mais plutôt notre obéissance. « Arrêtez, et reconnaissez que je suis Dieu : Je domine sur les nations, je domine sur la terre » (Ps 46.10).

Nous aimer les uns les autres, tel est le défi posé à chacun. Car c’est la condition sine qua non d’une Église pouvant se revendiquer du Dieu d’amour ; nous aimer les uns les autres c’est faire place à Dieu ; c’est à cela seulement que le monde saura qui nous sommes.