Méditation

SON FARDEAU ET CELUI DES AUTRES

Claire-Lise Meissner, pasteure

« Portez les fardeaux les uns des autres… Chacun portera son propre fardeau » (Ga 6.2,5)


Deux paroles contradictoires ?

On raconte que lorsque les cerfs traversent un bras de mer en quête d’une île à pâturages, ils s’alignent de façon à poser les uns sur les autres le fardeau de leur tête avec leur charge de bois : celui qui est derrière allonge le cou et pose sa tête sur le dos de celui qui le précède. Mais comme le chef de file n’a pas où reposer sa tête, on dit qu’ils le remplacent tour à tour. Quand il est fatigué, il passe en queue, en cédant ainsi sa place à celui qui le suivait quand il ouvrait la marche.

Porter les fardeaux les uns des autres

Un fardeau est par définition, tout ce qui charge, tout ce qui pèse. Le contexte de ce verset évoque un homme qui se serait laissé surprendre par une faute. Comment réagissons-nous lorsqu’un frère/une sœur fait quelque chose qui ne convient pas ? On le laisse tomber en prenant ses distances ou on laisse tomber sa parole, par crainte de décevoir ou peur de juger (vraiment ?). Son fardeau est alourdi par nos reproches ou commérages.

En Ga 6.3 Paul nous exhorte à ne jamais dire : « cela ne m’arrivera pas » ! Il nous met au défi de trouver le moyen de venir en appui de celui qui chancelle. En lui manifestant la grâce de Dieu en actes, avec une nécessaire humilité du cœur forgée aux tentations et épreuves de la vie.

Celui qui veut porter le fardeau doit se demander : jusqu’où va mon ouverture à la différence de l’autre ? Porter avec, ce n’est certes pas prendre l’autre en charge. C’est venir le soutenir à un moment de sa vie où il traverse une difficulté, un drame, ou simplement un choix délicat. Accueillir ce qu’il vit, ce qu’il pense, ce à quoi il aspire, sans plaquer sur lui mon propre modèle. L’aider à y voir plus clair et à faire le tri, jusqu’à ce qu’il puisse prendre sa décision. Car c’est la seule qu’il pourra vraiment assumer.

Car chacun portera sa propre charge…

Celui qui prend l’autre en charge (je ne parle pas des situations d’urgence) l’infantilise et donc le déresponsabilise. Il agit contre l’Évangile. Il court le risque de s’épuiser à trouver des solutions dont l’autre n’est pas toujours preneur… Ou à vouloir le faire changer alors qu’il ne le veut pas ou ne le peut pas. Il arrive qu’une personne se retourne contre celui qui l’aide. Car c’est trop, ou inapproprié. Un enfant se révolte. Un adulte se sépare. Il met de la distance ou profitera de son bienfaiteur. Que d’amertume lorsque le fardeau change tout simplement d’épaule et devient le problème de celui qui se portait au secours de son frère/sa sœur.

En employant un autre mot grec pour « fardeau » au v. 5, Paul rappelle à chacun la responsabilité de sa propre vie devant Dieu. Ceci est un fardeau qui ne peut être partagé.

Le bienfait de porter ensemble les fardeaux

C’est une des plus belles réalités de l’Église que de pouvoir se soutenir dans l’épreuve. Être là comme Dieu est là. Quel signe de maturité communautaire : chacun assume ses choix et ses dons, actionne sa propre liberté pour venir en appui à la croissance spirituelle de l’autre.

Lorsque l’aide matérielle ou spirituelle qui est apportée est donnée dans le respect de la dignité et de la personnalité de l’autre elle est reçue comme un cadeau, non comme une dette. L’amour de Christ devient tangible, palpable. Nous ne sommes pas abandonnés !

Porter les fardeaux ensemble devient invitation à poursuivre la route dans l’espérance que Dieu pourvoit à chaque étape. C’est un chemin concret qui a pour résultat l’augmentation de la foi, tant chez celui qui «porte avec» que chez celui dont le fardeau reste le sien, mais devient moins lourd à porter.

Développons sans nous lasser dans nos communautés cette juste attention à l’autre qui favorise la croissance, la repentance et le pardon, la confiance dans la force de Dieu.