Méditation

« Le chrétien dans le désert », ou comment en sortir…


Voici un sermon de John Wesley (sermon 46) percutant et haut en couleur, résumé et adapté par Grégory Luna pour les besoins de ce numéro d’ENroute. Le sermon apostrophe les croyants qui s’étonnent de leurs passages à vide sans chercher à se remettre en question pour autant. Il explique leurs périodes de «vague à l’âme» par leurs éventuelles négligences et omissions et les invite à corriger le tir pour retrouver la forme spirituelle.

John Wesley (1703-1791)


Le temps du désert

Quand Dieu accorda au peuple d’Israël une grande délivrance en le tirant de la maison de servitude, ce peuple n’est pas entré immédiatement dans le pays que l’Éternel avait promis à ses pères. Les Israélites errèrent dans le désert (Ex 13.18) et y furent tentés et affligés de diverses manières. De la même façon, lorsque le Seigneur nous a délivrés de l’esclavage du péché et de Satan, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Rm 3.23), peu d’entre nous avons su rester avec le temps dans ce repos qui reste pour le peuple de Dieu (Hé 4.9). En effet, la plupart errent, plus ou moins, hors du bon chemin où l’Éternel les avait introduits. Ils passent, pour ainsi dire, par un pays désert et par un lieu hideux, où l’on n’entend que hurlements de désolation ; et là ils sont tentés et tourmentés de diverses manières.

Tourments et tentations

C’est cet état que quelques personnes ont appelé, par allusion à l’histoire des Israélites, le désert. Il est bien certain que les âmes qui sont dans cet état ont droit à nos plus vives sympathies. Elles souffrent d’un mal funeste et cruel, et ils n’ont certainement pas besoin qu’on les juge. Cependant, étant elles-mêmes comme dans des ténèbres, on ne peut guère s’attendre à ce qu’elles comprennent la maladie dont elles sont atteintes. Et bien peu de leurs frères, peut-être même de leurs conducteurs, connaissent la nature de ce mal ou le moyen de le guérir.

Par conséquent, nous allons examiner tout cela pour apporter un peu de lumière dans cette épaisse obscurité dont plusieurs en subissent aujourd’hui les effets. Voici donc comment nous allons procéder :

  • Premièrement, nous allons déterminer la nature de ce mal.
  • Ensuite, nous en diagnostiquerons la cause.
  • Puis viendra enfin le remède contre un tel mal.

La nature de ce mal


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- Déperdition progressive

Tout d’abord, la nature de cette maladie qui attaque tant d’âmes après qu’elles ont cru pourrait se résumer ainsi : ces personnes ont en quelque sorte perdu la foi que Dieu avait produite initialement dans leur cœur. En effet, ceux qui sont dans le « désert » n’ont plus en eux comme auparavant ce témoignage divin, cette conviction satisfaisante des choses qu’on ne voit pas (Hé 11.1). Ils n’ont plus ce vif désir intérieur que l’Esprit stimule et qui les rendait capables de proclamer avec force et chaleur : Si je vis encore dans ce corps mortel, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est donné pour moi (Ga 2.20). En fait, la lumière qui naguère les éclairait s’est progressivement éteinte ; ils ne voient plus Celui qui est invisible (Hé 11.27) ; et les ténèbres se sont à nouveau étendues sur eux provoquant par la même occasion un affaiblissement spirituel général et une cécité de leur esprit.

De cet affaiblissement spirituel général ont découlé hélas d’autres symptômes : une perte de l’amour qui augmente ou qui baisse en proportion de notre foi, une perte de joie liée à la manière dont on s’approprie la grâce de Dieu, une privation de paix qui surpasse toute intelligence quand l’âme est dans le calme et la confiance, et enfin, comme Samson, une perte de force à l’égard du péché et des défis de la vie chrétienne. Pour ces chrétiens en prise avec eux-mêmes, le salut n’est plus une grâce du ciel mais un supplice de Sisyphe ; tout est pénible et dur, et ils ont toujours l’impression de tourner en rond dans un désert aride qui ressemble au Tartare.

Or Dieu veut la paix de son serviteur (Ps 35.27), et contrairement à ce que prétendent certains auteurs mystiques, nulle part, la Bible n’enseigne que c’est par le moyen de son absence que Dieu avance le plus son œuvre dans un cœur. Nous allons donc maintenant voir les causes de cette maladie.

DEUX INFOS

Patrick Streiff, notre évêque, est en train de mettre la dernière patte à son livre consacré aux Sermons de John Wesley. A paraître aux Éditions Excelsis d’ici la fin de l’année.

Le pasteur Michel Weyer, professeur émérite de théologie historique de 1980 à 2003 à la Theologische Hochschule de Reutlingen, dans le Bade-Wurtemberg, vient d’inaugurer son nouveau site www.weyer-michel-strasbourg.fr où il publie un certain nombre de ses travaux touchant en particulier l’histoire du méthodisme (Théologie, Philosophie, Histoire, Histoire et civilisation en Europe, Protestantisme dans sa diversité, Eglise et société du XVIe au XXe siècles, Luther, Réforme, Luthéranisme

Piétisme, son histoire, son influence, sa théologie, Mouvements de réveil religieux au XVIIIe et au XIXe siècles, John Wesley et son Méthodisme, Les relations œcuméniques, Judaïsme dans ses relations avec le Christianisme).

Les causes de cette maladie

- Une faute, des négligences

La cause la plus ordinaire de ces ténèbres intérieures, c’est le péché sous une forme ou sous une autre. C’est généralement lui qui amène ce qui souvent ressemble à une compilation de péchés et de misères. Ce peut être, d’abord, une faute commise délibérément, au mépris de la grâce de Dieu, et qui nous plonge immédiatement dans les ténèbres, ou une faute par omission ; cette dernière étant généralement la plus répandue et la plus sournoise aussi. Voyons ensemble comment s’articulent ces omissions qui nous plongent progressivement dans les ténèbres.

Premièrement, commençons par la négligence de la prière quotidienne que Dieu a mise à notre disposition pour entretenir notre relation avec lui ; on pourrait ajouter à cela la lecture régulière des Écritures et la communion fraternelle. Si nous négligeons ces aspects de notre vie spirituelle, le quotidien reprendra rapidement le dessus, et bientôt la vie s’éteindra graduellement.

- Des travers

Deuxièmement, on peut évoquer la négligence du devoir, qui consiste à aimer son frère comme soi-même, et donc à agir en conséquence. Si par exemple ce dernier pèche, je dois le reprendre avec soin, pour ne pas souffrir avec lui de son péché (Lv 19.17). Ensuite, une troisième omission pouvant être à l’origine de l’obscurité serait l’orgueil, l’arrogance et toutes les inclinations intérieures portant sur l’élévation personnelle. En somme, avoir une trop haute opinion de soi-même (Rm 12.3). Et enfin, dans plusieurs registres, on pourrait citer la colère provoquée par un zèle dogmatique, l’idolâtrie, la paresse, l’indolencequi consiste à se retirer du combat sous prétexte qu’on a bien assez donné et l’ignorance. Plus loin, nous consacrerons sur ce dernier point un petit éclaircissement.

Le remède contre ce mal

- Attention aux fausses solutions

À présent, voyons le remède contre ce mal. Tout d’abord, il faut arrêter de penser qu’il n’y a qu’un seul traitement pour toutes ces affections spirituelles. D’ailleurs, ceux qui pensent qu’en prêchant les promesses de Dieu, ils vont réussir à soigner une crise de foi, se trompent : consoler ne suffit pas pour guérir ! De plus, utiliser l’amour immense de Dieu, ou l’efficacité du sang de Christ pour pardonner les péchés relève du charlatanisme, si in fine le pécheur est laissé dans le même état qu’il est entré.

De même, vous êtes dans la peine, vous aussi, maintenant ; mais je vous reverrai, alors votre cœur se réjouira, et votre joie, personne ne peut vous l’enlever (Jn 16.22)

- S’attaquer aux causes

Alors comment doit-on s’y prendre ? Eh bien, la première chose à faire, c’est de découvrir la cause ; et cela même fera trouver le remède.

- Confession et repentance

Découvrir la cause consiste en réalité à faire un examen spirituel pour savoir si je me trouve encore dans la foi (2Co 13.5) ; autrement dit, il faut que je m’interroge sur les péchés qui pourraient être la raison de cet assoupissement. Après quoi, si je n’ai rien trouvé de concluant, je dois explorer la piste des péchés par omission, à commencer par l’indolence dont je pourrais être atteint (2Ti 1.6). Enfin, je dois sillonner le passé pour savoir si aucune racine d’amertume a infecté mon cœur (Hé 12.15) tandis que j’essaie d’étendre mes rameaux vers le ciel.

J’en viens maintenant à l’ignorance, car mon « salut » dépendra aussi de la connaissance que j’ai de Dieu et du sens des Écritures ; sachant que l’ignorance provient souvent de la manière dont j’interprète la parole de Dieu. Si en effet je crois qu’il est nécessaire pour grandir en maturité de passer par un désert, ou par l’obscurité, comme une sorte d’épreuve du croyant, il y a de fortes chances pour que j’y reste encore longtemps. En fait, l’effet « désert » cessera lorsque j’aurai identifié la cause et appliqué le remède.

- Patience et longueur de temps…

De plus, ne nous figurons pas que l’effet disparaîtra aussitôt que la cause aura été supprimée ; il peut arriver que cela prenne un certain temps car la lumière de Dieu est un don, et qu’il la donne comme bon lui semble. De même qu’une blessure ne saurait guérir tant que le trait reste enfoncé dans la chair ; de même, la plaie ne se guérit pas instantanément quand on a retiré le projectile ; le mal et la douleur persistent encore longtemps.

- Gagner en lucidité

Du reste, chers amis, si les ténèbres proviennent de tentations diverses, pénibles et imprévues, soyons prévenus : le meilleur moyen d’éloigner celles-ci et d’en préserver l’âme, c’est de réaliser que le monde est mauvais, entouré d’esprits méchants, malfaisants et rusés ; qu’on peut être tenté en tout lieu et n’importe quand.

- Lutte incessante contre le péché

Il faut comprendre que je ne puis pécher sans qu’il y ait des conséquences dans ma relation avec Dieu, et qu’en restant dans mes péchés, je me coupe par la même occasion de l’envie d’en sortir pour ma plus grande ruine. Aussi, il ne faut pas laisser de place au péché. Il est nécessaire de connaître son cœur, et de ne pas croire que l’œuvre de sanctification s’est accomplie totalement à la conversion.

Prier sans cesse

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Et lorsque la tempête fond sur nous — et il faudra en traverser quelques-unes avant de parvenir à la stature parfaite du Christ, il faut prier, et non raisonner avec Satan ; il faut répandre son âme devant Dieu et lui expliquer toutes nos difficultés — pour le coup, les promesses de Dieu peuvent nous aider à tenir fermes dans ces moments-là. Puis après avoir souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables (1Pi 5.10).

Victoire

C’est ainsi, à force d’épreuves, à force d’utiliser tous les moyens que Dieu met à notre disposition pour parachever notre course, et sachant que nous ne sommes jamais seuls dans la mêlée, que le Seigneur rendra lui-même témoignage à sa parole et fera sortir ces âmes de leurs ennuis (Es 60.1).

L’intégralité du sermon 46 de John Wesley est à retrouver sur le site du CMFT (http://goo.gl/JfwVF).