EDIMBOURG 2010 «VOUS SEREZ MES TÉMOINS»(3)

JOHN MOTT

John Raleigh Mott, figure de proue de l’œcuménisme et de la mission

Jean-Philippe Waechter


John Raleigh Mott (25 mai 1865 — 31 janvier 1955) est une figure de proue de l’œcuménisme et de la mission.

Au service du Christ

Féru d’histoire et de littérature, excellent orateur, le jeune Mott hésitera entre une vie d’entrepreneur et une carrière de juriste ; il choisira finalement la cause missionnaire après avoir entendu l’admonestation du prédicateur Ch. Studd1, invité sur le Campus de Cornell (1886) : « Cherches-tu de grandes choses pour toi-même ? Ne les cherche pas. Cherche premièrement le royaume de Dieu ». Il précisera : « Ces paroles me sont allées droit au cœur. J’ai oublié tout le reste du message de l’orateur ; sur ces trois phrases repose la décision de ma vie ».

50 années de compagnonnage avec l’UCJG

En simple laïc, John Mott mettra sa vie au service du Christ et… Des étudiants. Ainsi démarrent pour lui 50 années de compagnonnage continu avec l’Union Chrétienne de Jeunes Gens (UCJG/YMCA), dont il sera successivement le Secrétaire et le Président ; au nom de la section locale de Cornell, il prendra part à la première conférence internationale, étudiante et interconfessionnelle jamais tenue (1886). Sur les 251 étudiants présents, une centaine d’hommes — y compris Mott — s’engageront à partir en mission à l’étranger. Ainsi naîtra le fameux et puissant mouvement missionnaire étudiant : le « Student Volunteer Movement for Foreign Missions » (SVM). Il fera tache d’huile et deviendra la prolifique « Fédération Mondiale des Étudiants Chrétiens » (FUACE — World’s Student Christian Federation). En son nom, Mott mettra sur pied 70 associations et 5 mouvements nationaux en l’espace de deux ans et relayera partout l’appel à servir Dieu : « Ayez les yeux ouverts jusqu’aux extrémités du monde ». Les vocations missionnaires y seront légion2.


Les étudiants, sa cible privilégiée

Les jeunes seront la cible privilégiée de son action. « Ils sont les leaders de demain, ils détiennent la clé de l’avenir, ils façonneront un jour le monde »3. On ne peut changer le monde qu’en changeant la vie des étudiants partout dans le monde et la paix internationale ne peut être atteinte sans leur contribution, telle était son intime conviction.

Edimbourg 2010 « Vous êtes mes témoins »

John Mott dans le texte

« Nous ne devons pas imposer à d’autres races (sic) les travers de notre vie ecclésiastique occidentale, ou des particularités nationales qui ne sont ni essentielles ni désirables… De toute évidence, nos subdivisions à l’infini sont un grand obstacle à l’évangélisation du monde… » (p. 204).

« La valeur du christianisme comme force missionnaire se mesure par la valeur du témoignage qu’elle rend à la personne du Christ…. Aussi, bien que certaines formes de notre christianisme ne vaillent pas la peine d’être propagées, la personne même du Christ doit être annoncée à tous les hommes… » (p. 205-207).

Extraits de « L’heure décisive des Missions chrétiennes »

1912, St Blaise (Neuchâtel), Foyer Solidariste

Cité par Unité chrétienne

Sa passion pour les jeunes était nourrie de sa passion pour le Christ. Le mouvement étudiant s’était doté à cet égard d’une devise significative : « Faire du Christ le Roi », selon le désir de Mott. « Christ est le Roi qu’il a servi, et la lutte qu’il a menée a été une lutte pour gagner le monde entier à la paix que son Roi veut donner à l’humanité », résume M. Ingebretsen4.


Passion pour le Christ et l’évangélisation

Il a couplé sa passion du Christ avec une passion pour l’évangélisation. Par des mots simples, Mott n’a cessé de rappeler la primauté du Christ dans ses 16 livres et ses multiples conférences. Mott était habité par une idée fixe, la mission impartie à l’Église : « Il est étonnant de constater que le grand commandement de Jésus-Christ à porter l’Évangile dans le monde entier n’a pas été plus suivi… Aujourd’hui, l’église a l’occasion comme jamais par le passé de faire connaître le Christ »5. Tenter de gagner à la foi l’ensemble de l’humanité au cours de cette génération, telle fut la priorité de Mott.

Approche équilibrée

Millénariste convaincu, Mott espérait accélérer le retour de Jésus-Christ en procédant à l’évangélisation du monde « durant cette génération »6. Il n’était pas pour autant un fondamentaliste, récusant avec véhémence le prosélytisme de mauvais aloi de certains missionnaires en Chine. En avance sur son temps, Mott avait entrevu d’autres dérives regrettables : « À moins que les missionnaires américains ne fassent preuve de plus de tolérance et de préoccupations sociales partout dans le tiers-monde, les missionnaires se trouveront confrontés un jour à des nationalistes en colère ».

Son approche missionnaire ne se cantonnera pas à l’annonce du salut, elle articulera l’annonce de l’Évangile avec l’action sociale et introduira en précurseur la notion de « contextualisation »7. Il sera un maître à penser majeur des missiologues modernes.

Précurseur de l’œcuménisme moderne

Sa passion pour l’évangélisation fera de Mott non seulement l’évangéliste le plus populaire de sa génération auprès des étudiants, mais aussi le promoteur du mouvement œcuménique naissant. On le tient non sans raison pour le père du Conseil œcuménique des Églises8 et sa fédération étudiante sera le terrain d’entraînement d’un grand nombre de futurs dirigeants d’églises9.

Pareille passion pour l’évangélisation n’était pas concevable en effet sans la recherche infatigable de l’unité. Mott sera un battant de l’unité exemplaire qui fera tomber les barrières dénominationnelles.

La nouvelle fédération étudiante se composera de chrétiens de tous bords10 autour de la « reconnaissance de l’autorité suprême et de l’universalité de Notre Seigneur Jésus-Christ en tant que seul Sauveur, et de son œuvre ». L’unité, comme lui la comprend et la vit, implique la reconnaissance de la diversité : dans la collaboration, chacun affirme la plénitude de sa foi.

Méthodiste de souche et de conviction, Mott ne se présentera jamais comme représentant d’une dénomination en particulier. Sollicité par les églises protestantes d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie, Mott acceptera de présider la Conférence Missionnaire Mondiale d’Edimbourg en 1910. « La conférence même, écrira Mott, aura été le rassemblement le plus remarquable jamais organisé autour de l’évangélisation du monde ».

L‘homme de l’unité n’oubliera pas d’intégrer par la suite le restant des églises au Conseil International des Missions naissant (Afrique, Asie et Amérique du Sud) convaincu des vertus de la coopération. John Mott est « l’homme qui a établi quelque 22 conseils chrétiens régionaux qui sont l’équivalent historique des partenariats stratégiques d’aujourd’hui »11.

Un homme de prière

L’homme de foi et d’unité était aussi un homme de prière. Sans la prière, rien de durable n’est concevable. Les prières pour l’unité ont toujours été « le moteur de toute percée œcuménique ». John R. Mott attribue le succès spirituel de la Conférence Missionnaire d’Edimbourg à ses constantes intercessions : « le cœur d’Edimbourg n’a pas été dans son discours, mais dans ses temps de prière ».

Un battant de la paix

Le combattant de l’unité sera enfin un combattant de la paix ; à l’heure des conflits mondiaux, il se mettra résolument au service de la paix : sa collecte de fonds en faveur des prisonniers de guerre sera un succès sans précédent et lui vaudra le Prix Nobel de la Paix en 1946. M. Ingebretsen, membre du jury du Prix Nobel, lui rendra un hommage appuyé : « Il a ouvert la voie à la fraternité entre les nations sous la bannière du Christ, — thème central et permanent de sa prédication… »12.

En bref

À plus d’un titre, que ce soit pour la mission et l’unité du peuple de Dieu ou encore la paix, John Mott demeure une référence pour maintes générations, un poteau indicateur pour jeunes et moins jeunes, « force vive et combattant infatigable au service du Christ ».

Sources

Fondation Nobel/ctlibrairy/SeekGod.ca/answers.com/Wikipedia/Figures de proue de l’œcuménisme, FOI

NOTES :

1 Célèbre joueur de cricket devenu évangéliste, un des «7 étudiants de Cambridge» qui, par la suite, ont travaillé avec Hudson Taylor en Chine).

2 Rien qu’en 1951, 21 000 de ses étudiants partiront en mission à l’étranger.

3  Herman Smitt Ingebretsen.

4  Membre du Jury du Prix Nobel, auteur du discours lors de la remise du Prix Nobel en 1946.

5 Devant la Conférence missionnaire d’Edimbourg 1910

6 Thème d’un de ses livres best-sellers, devenu slogan missionnaire de plusieurs générations du 20e siècle. Dans son esprit, il ne s’agissait pas de « convertir » cette génération, l’Esprit de Dieu seul pouvant convertir les hommes, mais d’annoncer l’Évangile à tous les hommes. Il appartient à chaque génération chrétienne de reconnaître cette vocation comme sienne (cf FOI).

7 En missiologie, la contextualisation consiste à articuler la parole évangélique avec le contexte social et culturel dans lequel cette parole circule et retentit.

8  Mott sera le président d’honneur à vie du COE naissant en 1948

9 Dont l'évêque Azariah de l'Inde,William Temple de Grande-Bretagne et WA Visser't Hooft…

10 Protestants, catholiques, orthodoxes, thomistes, nestoriens, syriens et coptes…

11 Selon le missiologue Ralph Winter

12 Extrait de son discours lors de la remise du Prix Nobel de la Paix