Méditation

François Roux

Pasteur

L'Eternel gardera ton départ et ton arrivée
Ps 121.8


Bougez mieux, vivez plus !

Un peu facile, certes, d'inverser un slogan publicitaire pour en faire un article dans En route. Vous aurez sans doute vu les affiches placardées par l'Office fédéral de la Santé le long de nos routes suisses. Sur un calicot, en gros caractères : « Départ » ou « Arrivée », puis, en plus petit, nécessitant une attention un peu plus consciente : « Bougez plus, vivez mieux ». Je les trouve très bien, ces affiches. Notre société a adopté un style de vie décidément trop sédentaire. Mauvais pour le coeur, mauvais pour les artères, mauvais pour tout ! Il faudrait vraiment que je me mette à faire un peu de sport !

Notre assise de sédentaire
Mais en même temps, notre époque est celle de la plus grande mobilité que l"humanité n'ait jamais connue. Passer une semaine en Asie du Sud devient presque aussi banal que d'aller se promener dans le Jura ou au Salève (ne prenez pas cette phrase pour du cynisme ; j'y reviendrai). Mais notre mobilité actuelle est avant tout une mobilité assise de gens assis. Assis dans l'avion, assis dans la voiture, assis dans leur coeur et dans leur esprit, bien assis dans la société, n'ayant, à ce qu'il semble, d'autre besoin fondamental que de se distraire. Il est vrai que bouger est un signe de vie.

La mobilité spirituelle

Mais encore faut-il bien bouger, et, pour cela, n'être pas trop bien assis. D'ailleurs, ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour les groupes et pour les églises. Si celles-ci (comme les autres groupes) ne bougent pas, c'est signe de manque de vie. Mais encore faut-il, répétons-le, bien bouger. Une certaine manière ecclésiale de remuer pourrait avoir la même source que la mobilité assise. Or, celle-ci n'est pas un vrai signe de vie. Il existe une mobilité spirituelle, secret de la vraie mobilité, qui consiste à se lever, intérieurement, pour aller vraiment à la rencontre de Dieu (qui s'est levé pour venir à notre rencontre) et pour aller vraiment à la rencontre d'autrui, un peu en profondeur, quitte à se faire (un peu, c'est-à-dire proportionnellement à la profondeur) déloger par lui.

Faire face aux accidents de la vie

Quand on a vraiment bougé, on n'est plus tout à fait le même à l'arrivée qu'au départ, et on s'en rend compte. Et quand la terre, à la surface de laquelle nous nous mouvons, use de son droit de bouger (voilà, je reviens à ma phrase douteuse où je parlais de l'Asie du Sud), est-ce signe de vie ? Il lui arrive alors de faire beaucoup de morts, comme nous, lorsque nous nous déplaçons pour une mauvaise rencontre avec autrui (la guerre est une manière de mal bouger), ou lorsque nous nous déplaçons trop, trop vite et imprudemment (les accidents de la route font, eux aussi, beaucoup de morts). Mais la terre ne bouge ni bien, ni mal. Il lui arrive simplement de bouger, et alors, souvent, il ne nous reste presque plus qu'à pleurer, car alors, les amours blessés à vif ne se comptent plus (pensez aux innombrables familles amputées d'un membre). Mais attention : pleurer peut être une manière de se lever intérieurement. Pleurer peut signifier la sortie d'une sorte de coma spirituel. Quand ceux qui ne sont que légèrement blessés (moralement et physiquement) pleurent, ils peuvent s'identifier un peu plus intensément à ceux qui le sont grièvement et ne peuvent même plus pleurer.

Vivre davantage de cette vie qui a qualité de vie éternelle

L'amour qui les a un instant rendus vulnérables peut les rendre actifs ; s'étant levés, ils peuvent se déplacer, bouger, n'être plus tout à fait les mêmes à l'arrivée qu'au départ. Ce délogement intérieur fera-t-il que, même petit à petit, les montants des budgets d'entraide s'approcheront de ceux consacrés à la guerre et iront même jusqu'à les absorber ? Sans voir de ce rêve ne serait-ce que l'ombre d'un début de réalisation, je crois malgré tout que bouger mieux mène à vivre plus ; entendez : plus intensément, de cette vie qui a qualité de vie éternelle.