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Mariage homosexuel : les Églises au défi d’une triple fracture

Philippe Gonzalez, prédicateur église de St-Genis


Le mariage homosexuel et l’homoparentalité figurent au programme présidentiel de François Hollande et Barack Obama.  L’Actu du mois signé par Philippe Gonzalez et réalisé en commun par le mensuel mennonite Christ Seul et notre mensuel En route précise les enjeux de ce débat de société majeur et les lignes de fractures qu’il révèle au grand jour.

Trouble

Le projet de François Hollande et Barack Obama de faire du mariage homosexuel et de l’homoparentalité un élément de leur programme présidentiel n’a pas manqué de troubler nombre de chrétiens au point de cristalliser leur opposition à ces présidentiables. Ces chrétiens perçoivent ces innovations comme l’indicateur de la décadence morale de nos sociétés et, surtout, comme un danger contre lequel il faudrait se mobiliser politiquement.

Il y a plus urgent

À certains égards, les enjeux soulevés par l’homosexualité pourraient sembler moins pressants quant à leurs incidences que d’autres difficultés que rencontrent nos sociétés. (Pensons à la crise économique qui frappe le sud de l’Europe, menaçant de faire basculer dans l’extrême précarité des populations entières.) Le débat est pourtant vivace au sein de l’espace public, et il taraude les Églises. Bien plus, au-delà de l’actualité médiatique, il y a urgence à penser ces questions en regard d’une triple fracture qu’affronte le christianisme autour de ces enjeux.

Fracture entre société et Églises

C’est d’abord la fracture entre nos sociétés et les Églises. Le reflux de la pratique religieuse a affecté certains paramètres moraux qui, jusqu’à récemment, semblaient aller de soi en Occident. En effet, des personnes sans lien avec l’Église continuaient à se reconnaître dans les « valeurs judéo-chrétiennes ». Ce socle moral s’est transformé. Pour la majorité de nos contemporains, l’homosexualité est une option de vie parfaitement normale. Leur moralité ne provient plus de l’héritage légué par une chrétienté où le christianisme avait noué des rapports très ambigus avec le pouvoir politique. Mais en s’affranchissant de la chrétienté, nos contemporains cessent aussi de recourir au christianisme pour réfléchir les enjeux moraux qui sont les leurs.

Fracture entre Églises

Une ligne de fracture se dessine également entre les Églises, et en leur sein. On connaît les options de certaines confessions, surtout protestantes, se voulant « progressistes », alors que d’autres, au rang desquelles on trouve le catholicisme romain et les dénominations évangéliques, témoignent d’une vision plus « conservatrice » sur ces enjeux. Cependant, de vives tensions se font ressentir à l’intérieur même de bien des confessions. Ainsi, depuis quelques années, la communion anglicane tente d’éviter un schisme mondial entre ses Églises du Nord, plutôt progressistes, et celles plus conservatrices, situées dans les pays de l’hémisphère sud. La démission du primat anglican, l’archevêque de Canterburry, Rowan Williams, n’est pas sans lien avec ces tensions.

Fracture entre générations

Quant à la troisième fracture, elle tient au fait que les chrétiens au sein d’une même communauté ecclésiale, perçoivent différemment ces enjeux, selon la génération à laquelle ils appartiennent. Des études récentes ont ainsi montré que les jeunes évangéliques américains sont beaucoup plus ouverts au mariage homosexuel et à l’homoparentalité que ne le sont leurs parents. Et contrairement à leurs aînés, ils ne se mobilisent pas politiquement contre ces thématiques. Ces jeunes évangéliques ont assimilé les paramètres moraux de leur société.

Repenser mariage et sexualité

Cette triple fracture illustre l’urgence qu’il y a à réfléchir les enjeux liés à la reconnaissance des couples homosexuels. Au-delà, c’est une théologie complète du mariage et de la sexualité qu’il s’agit de penser, afin de permettre aux jeunes générations de formuler des réponses cohérentes avec la tradition chrétienne, et pertinentes — voire impertinentes — vis-à-vis de la culture contemporaine. En effet, chaque génération doit repenser la tradition dans son propre langage et au regard de sa situation.

Exil ou assimilation

À défaut, on s’expose à une alternative risquée : soit l’exil en regard de la culture, et donc la perte de contact avec la société ; soit l’assimilation sans réflexion des mœurs de l’époque, et donc l’abandon d’une parole prophétique.

En marge 

Eglise danoise

Le Parlement danois a adopté jeudi 7 juin 2012 à une large majorité une loi permettant aux couples homosexuels de se marier à l’Église luthérienne d’État malgré l’avis de ses évêques : les évêques «s’en tiennent au bon plan de Dieu concernant le mariage qui se rapporte à la vie commune entre un homme et une femme et encadre la vie familiale et l'éducation des enfants à naître. Comme Église, nous nous en tenons à la position du mariage telle qu’elle s’exprime dans les écrits bibliques et nos traditions».

Eglise orthodoxe de Moldavie

Dans un communiqué publié le 21 juin 2012, «le Synode de l’Église orthodoxe de Moldavie condamne le péché d’homosexualité et sa propagande. En même temps, il appelle à la pénitence ceux qui propagent ce péché».

Eglise d’Angleterre

Un projet du gouvernement anglais veut étendre le mariage aux couples homosexuels. L’Église anglicane s’y oppose formellement : «Une telle démarche aboutirait  à modifier la nature intrinsèque du mariage qui est l'union d'un homme et une femme, tels qu'ils sont consacrés dans les institutions humaines à travers l'histoire», avis partagé par l’Eglise catholique romaine.

L’Église Méthodiste Unie (UMC/EEM)

L'Eglise Méthodiste Unie affirme la valeur sacrée de toute personne, indépendamment de son orientation sexuelle. La dénomination condamne l'homosexualité comme étant incompatible avec l'enseignement chrétien, interdit l'ordination de pratiquants homosexuels auto-déclarés et la célébration du mariage homosexuel par ses pasteurs et dans ses églises.

Les quelques 1.000 délégués présents pour la Conférence générale, organe suprême de l'Eglise méthodiste, du 24 Avril au 4 Mai à Tampa (Floride) ont examiné deux motions sur le sujet:

La première partait du constat que les opinions sur le sujet de l’homosexualité étaient partagées au sein de l'Église ; la motion fut rejetée à 54 % des voix.

L’autre motion qui réclamait le changement de la position officielle de l'Église a rencontré une résistance encore plus forte: 61 % des délégués s’y sont opposés.

Il s’en suit que l’Église méthodiste en reste à sa position telle qu’elle ressort des Principes Sociaux: la pratique de l'homosexualité n'est pas tolérée et est incompatible avec l'enseignement chrétien.