La vie de notre Église (2)

Pastorale à Landersen du 24-27 mars 2015

Antoine Da Silva, pasteur


Que font de particulier les pasteurs le temps de la pastorale ? Le pasteur Antoine Da Silva tente d’apporter une réponse.

C’est à Landersen, lieu mythique si j’en crois ce que l’on me dit, qu’a eu lieu le rendez-vous annuel entre les pasteurs de l’Union ; les épouses étaient invitées, quelques-unes présentes. Jean Marc Bittner nous avait concocté le programme en lorgnant vers la Fédération baptiste, puisque c’est Richard Gelin de l’Église baptiste de l’Avenue du Maine qui en a été l’orateur. Nous étions accompagnés par notre surintendant, Étienne, et son épouse.

Près du ciel ? !

Landersen ! Là où la route s’élève déjà, où la vallée commence à être loin, nous sommes un peu plus près du ciel ; c’était le but recherché. Landersen, lieu de promenades, où les biches se présentent au loin et même auprès comme pour nous dire que notre présence ne les dérange pas. Parfois, nous donnant à penser que le chemin leur appartient et que ce serait à nous de déguerpir. Notre emploi du temps nous laissait des après-midi bien libres pour vaquer.

Super accueil

Landersen aux locaux bien propres, avec ses longs couloirs interminables nous a gâtés par son accueil, ses repas, pour un certain nombre d’Alsaciens, bien sûr. Alors si vous arrivez de la France intérieure, il faut prendre votre stylo et votre petit carnet, car il y a des noms de repas, de crèmes, de fromages et autres qui vous sonnent comme une langue étrangère, allez savoir pourquoi. Si vous voulez plus détails, adressez-vous à des pasteurs alsaciens. Pour ma part, il faudra raviver ma mémoire, qui a l’excellence et l’insuffisance de l’oubli.


Échanges

Landersen ! Pendant les balades ça tchatche entre les pasteurs – pas besoin de baladeurs - il faut dire que ce sont des hommes de la Parole, mais je me demande s’il faut que j’utilise ici l’expression au sens noble ou au sens courant du terme. Puis, inévitable, un petit tour par le Petit-Ballon d’Alsace, celui que l’on ne peut shooter. Certainement, ce n’est pas à moi de vous en parler… Vous voyez de quoi il s’agit. Landersen, où la neige était encore présente dès que l’on grimpait un peu. Ces promenades étaient un lieu de connaissance, de partage, des uns et des autres. Au fur et à mesure que nous marchions, nos distances se réduisaient parfois à l’aide d’un bambin en poussette qu’il fallait faire grimper.

Mais si je m’en tenais là, j’oublierais l’essentiel. Pourquoi une pastorale ? Quel thème pour cette pastorale ?

Partages

L’une des choses qui caractérise le méthodisme et bien sûr l’Évangile, c’est l’unité, le lien, la solidarité fraternelle et la collaboration. L’emploi du temps, me semblait bien servir tout cela. Emploi du temps qui nous a offert aussi une soirée de présentation comme hors-d’œuvre, une soirée partage autour d’outils de travail conduite par David Loché, des temps de méditation et de prière le matin, et pour terminer un culte bien liturgique avec Sainte Cène conduit par Joseline Waechter et dont le message fut assuré par Christophe Waechter. Jean-Philippe nous ayant déjà conduits dans une méditation à la « foi bien structurée » (commentaire de Richard Gelin). Étienne, notre surintendant, nous informe sur la situation de l’église de Strasbourg, la Conférence Annuelle et sur les étudiants aujourd’hui en formation : Catherine Ehoussou, Samuel Winkelsass, Sébastien Schoepperlé, Bertrand Mathys, Julien et Julie Teissonnière.

La leçon de l’aigle

Christophe nous a emmenés du côté des aigles, nous continuons à prendre de la hauteur. Si vous voulez savoir comment ils renouvellent leurs forces, sachez qu’il y a pour eux un temps de crise, majeur, où le bec est devenu tellement long qu’ils ne peuvent plus se nourrir convenablement et s’affaiblissent ; alors ils se cassent le bec, dans un geste de désespoir, mais qui fait leur renouvellement, une meilleure alimentation, une vitalité nouvelle. « Se casser le bec », vous connaissez l’expression, mais c’est l’expérience d’une telle réalité qui nous emmène à un vrai changement. Alors si vous êtes dans une situation qui fait penser à quelque chose de cela, considérez-vous encore heureux, le Seigneur travaille en vous, lui qui nous veut toujours marchant en avant, portés par la vie que nous avons en Jésus-Christ… Si vous voulez rester sur ces hauteurs, allez sur internet vous y trouverez de la matière à ce sujet – restez vigilants, cependant, internet est aussi grande source de déviations.

À l’honneur

Les Waechter, excusez-moi l’expression, étaient à l’honneur, deux départs à la retraite, Jean Philippe et Joseline, Christophe et Myriam. Le corps pastoral se réduit, mais vous avez vu, il y a de la relève. Il faudra encore cependant chercher d’autres ministères. Ces départs nous éveillent à cette parole de Jésus « priez le Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers dans la moisson ».

La pastorale n’a pas oublié ses absents, ses aînés, toujours une petite carte vers ceux qui n’ont pu se joindre à nous. Pour mémoire..

Le pasteur comme pédagogue de la Bible

Mais venons-en au thème de la pastorale. Il est énoncé d’une manière un peu sérieuse, voire pompeuse, mais il se fait comprendre facilement : « Le pasteur comme pédagogue de la Bible ». Il faudrait faire ici un peu d’exégèse – pardonnez-moi le mot – pour bien comprendre.

Ce thème nous a été joué en quatre temps, mais aussi quatre mouvements. C’est ainsi qu’a en décidé l’orateur. Je ne pourrai pas vous parler du premier temps car je n’ai pas eu le privilège d’être présent au premier temps, nous n’avons pas tous les mêmes privilèges malgré notre solidarité, nos désirs, c’est la vie, les circonstances nous sont posées, imposées, à nous de faire avec.

L’orateur ? Richard Gelin, pasteur de la Fédération baptiste. Comme l’année dernière, c’est encore un pasteur baptiste qui est venu nous « faire la leçon », et quelle belle leçon !

J’aimerais dans les mots qui suivent, vous faire part de quelques enseignements majeurs, voire de quelques sucreries, celles-ci peuvent être stockées sans modération, mais vous le savez, une nourriture pour chaque temps approprié.

Richard a d’abord emmené son auditoire vers le live du Deutéronome – excusez-moi l’erreur de frappe, je voulais écrire livre - et les recommandations données par Moïse au sujet de la transmission de la loi et des commandements. Dès le second moment, il fonde pour nous, le travail du pasteur en tant que pédagogue à partir de la lecture de la loi par les lévites au temps de Néhémie.

L’écoute

Puis, met en lumière des aspects majeurs de l’enseignement :

- Écouter ? C’est s’ouvrir à une parole venant d’un autre. Écouter c’est entrer dans un dialogue, s’ouvrir à la prière.

- La prédication, l’enseignement doit être de l’ordre de la gourmandise. Si l’ennui emporte le pasteur, il emporte son auditoire.

- L’écoute du texte est aussi à faire en groupe, où la sensibilité et l’expression de chacun sont à respecter, où l’on ne cherche pas à cloner, à formater les participants.

- Que veut dire la Bible ? Une fois posé le contexte, donné un minimum d’informations sur le texte, l’échange est ouvert et interactif.

- Comment l’Écriture m’habite-t-elle ? Y a-t-il des textes qui me portent en permanence ou qui sont majeurs dans ma vie ? Lesquels ?

- …

- (Les trois petits points précédents c’était pour faire fonctionner votre mémoire)

- Richard met aussi l’accent sur la place du récit dans l’Écriture et le rôle pédagogique qu’il accomplit pour le lecteur.

- Le rôle majeur du Saint-Esprit est mis en relief, Lui, seul, peut convaincre le croyant de l’autorité de l’Écriture.

Des perles

Au passage, nous sommes, nous pasteurs, mis en éveil non seulement par ce qui est dit en matière de transmission de l’Écriture mais aussi par des réflexions, fruits d’une expérience pastorale riche et diversifiée. Je ne peux m’empêcher de relever deux phrases majeures de ce second temps qui méritent une belle attention de notre part. Les voici :

-Croire, ce n’est pas seulement être convaincu, c’est laisser ma vie être marquée par une parole au point que nos choix fondamentaux manifestent ce que je crois.

- Evert Van Poll, autre pasteur du milieu baptiste – nous sommes de temps en temps renvoyés vers les Cahiers de l’École Pastorale (à conseiller à tout responsable d’église) – dit son inquiétude face à des louanges professionnelles où la communauté est dépouillée de son chant.

Comment continuer à écrire tant de richesses, sans vous lasser ? Permettez-moi d’être encore un peu complet, puis je raccourcirai sur le dernier point.

Événement

Nous sommes conduits ensuite, de l’événement qui a eu lieu, et de son oralité, à la mise en Écriture. L’Écriture retient la connaissance de l’événement dans une stabilité, une fidélité que l’oralité ne peut servir. Mais, par la prédication ou l’étude biblique, l’Écriture passe de nouveau à l’oralité, et à un événement de l’oralité car nous comptons sur l’œuvre du Saint-Esprit. Le récit devient lui-même événement par la puissance du Saint-Esprit. Le Christ devient la source d’une vie nouvelle.

Canon

Au passage, nous sommes éveillés sur la possibilité de parler en église du Canon : la mise par écrit des livres, la marche vers la canonisation des écrits, la transmission du Canon. Qui a déjà pu faire un enseignement à ce sujet au sein de son église ? Nous sommes ainsi tenus en éveil, et mis en situation de partage. Comme à l’école quelques-uns lèvent les mains. Ce sont des pédagogues qui se laissent instruire.

Le rapport à la culture

Prenant le Figaro – si ! Si ! Richard a osé, tout en disant sa pensée vis-à-vis de ce journal – mais là, comprenez que je ne vous l’écrive pas… Prenant le Figaro, Richard nous fait la lecture d’un article de Michel Onfray, et d’un collègue philosophe François-Xavier Bellamy pour mettre en relief la nécessité de nous adapter à la culture actuelle, sans la gober comme si elle était neutre. Le pasteur se doit de trouver l’équilibre d’une présence à la culture actuelle qui ne soit pas au risque d’une séduction, d’une fascination… Plus nous sommes modernes, plus il nous faut être liturgiques. 

Place de la Parole dans le culte

C’est du côté du culte que nous sommes alors entraînés. Nous sommes éveillés à ne pas animer le culte en fonction de nos humeurs du moment, à ne pas nous croire obligés à commenter toutes les lectures, à servir la Parole par une lecture appropriée – il y a une espèce de fierté de soi qui ne reconnaît pas son insuffisance dans la lecture ou bien le commentaire. Richard ose : la lecture est un acte pédagogique, « je demande qu’il y ait un Psaume, puis une lecture de l’Ancien et une autre du Nouveau Testament, je suis un peu choqué quand l’Évangile n’est pas lu », le texte qui sera la source de la prédication est souvent donné par les lectionnaires. Plus on est dans la spontanéité, plus il faut avoir des repères pour ne pas déraper.

Qualités requises

Dans le charismatisme anglican, il y a toutes les richesses de l’Esprit avec toutes les richesses traditionnelles. Confier la conduite du culte à des personnes nouvelles dans la foi, c’est confier le culte à des personnes dont la structuration intérieure est faible. Nous devons faire confiance à la génération qui vient, l’accompagner, mais dans le sens où ils ont aussi besoin de repères.

L’éducation suppose la tendresse, la pédagogie mais aussi le courage et la présence. C’est la présence du Christ dans sa parole qui est notre joie. Ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ (Saint Jérôme).

Pour finir ce temps, Richard nous emmène encore vers les hauteurs du débat théologique en faisant référence à Thiessen et à son plaidoyer pour une relation renouvelée entre l’exégèse et l’homilétique.

Mines d’or

Mais nous revenons aussi vers des réflexions plus terre à terre, qui lui permettent de déterrer encore des pierres précieuses, j’allais dire des mines d’or.

« Dieu nous a rendus capables (nous étions dans l’incapacité) d’être ministres d’une alliance nouvelle non de la lettre, mais de l’Esprit, car sans l’Esprit, la lettre tue ». 

« La souffrance de l’homme est dans la perte du sens. L’homme ne comprend plus le sens de sa présence dans le monde. La prédication lui apporte du sens à partir d’une réalité qui lui est bien supérieure. La Parole de Dieu est une réalité infiniment supérieure qui vient renouveler, enrichir l’homme dans sa conversion au Christ, elle nous invite à nouer le lien avec Dieu. La prédication n’est pas une simple explication elle appelle à la conversion, « nous cherchons à convaincre ».

« Confesser la Bible comme Parole de Dieu c’est aussi l’affirmer comme langage. La Bible est une composition littéraire. À ce titre elle nécessite un certain travail y compris de la grammaire, mais la grammaire ne relève pas de la prédication. La Bible a des langues mortes mais c’est un langage vivant. La prédication est Parole Vivante, parce qu’en son cœur Dieu manifeste son amour. Elle appelle le chrétien à se méfier du détournement de la vérité. Il y a une permanence du sens théologique en raison de ce que Dieu est pour la création ».

Enrichissement

La pastorale s’est terminée par un culte, suivi d’un repas, l’après-midi du vendredi, nous a mis en éveil par rapport à l’AG qui devait avoir lieu le lendemain, où nous allions descendre vers la vallée. Devinez où ? Vous le savez.

Décidément, Landersen a été un lieu d’enrichissement, de partage, de réflexion et même d’écriture pour En route – cette revue que vous avez entre les mains. Vous comprenez maintenant pourquoi il y a des lieux mythiques : je pensais à Landersen bien sûr, mais il ne faut pas exclure que Landersen nous mette « En route ».

Merci à chacun pour ce qu’il a apporté à cette pastorale. Il ne faudrait pas oublier les musiciens, les cuisiniers, Claire-Lise avec une nouvelle composition qui nous dit que « Dieu nous a lavé les pieds, en Christ »… Je n’en dis pas plus ; sinon vous allez me trouver homme de parole. Il y a une limite à tout… Pourvu que ces mots vous renouvellent par l’habitation de la Parole de Dieu et qu’ils contribuent à l’enrichissement de nos églises.