Droit d’asile, droit bafoué ? (4)

Du vécu
Etre immigré en Algérie
Rose-May Privet 
pasteure

Fin de l’année passée et début de celle-ci, j’ai passé deux mois sur Alger. « Alger la Blanche » m’a accueillie avec toute sa pollution et sa poussière, mais aussi ses palmiers verdoyants et ses agrumes juteux et sucrés à souhait. Deux mois pour vivre à un autre rythme, celui des embouteillages en voiture et celui des déplacements à pieds entre les dites voitures qui n’avancent pas ! Deux mois aussi pour être confrontée à d’autres réalités… Et faire des rencontres riches en humanité.
J’ai donc assumé le poste pastoral pour l’église protestante d’Alger. Une église multiculturelle : il y a des étudiants de toute l’Afrique francophone et de Madagascar, il y a aussi des diplomates en poste dans les ambassades de leur pays respectifs et il y a d’autres migrants en route vers l’espoir d’un monde meilleur.
C’est d’eux que je désire parler un peu. Certains ont quitté leur pays poussés par leur famille avec la lourde responsabilité de rapidement trouver une situation ailleurs et de pourvoir aux besoins de tous ceux qui sont restés. Ils ne pourront jamais rentrer chez eux, à moins qu’ils puissent y revenir les poches pleines de cadeaux. Ils n’ont pas le droit à l’échec et la honte de ne pas bien réussir leur mission est souvent lourde à porter. Lorsqu’ils écrivent chez eux, ils embellissent la situation… Ils parleront de leur travail à la banque, sans préciser qu’ils vident les poubelles et sont mal traités par leurs employeurs. Ils sont à Alger comme l’on est dans un port de départ : pas vraiment installés et les yeux fixés sur la rive de l’autre bord. D’autres ont quitté des pays en guerre ou en situation de famine… Ils n’ont plus rien à perdre et les images transmises par la télévision leur font rêver de cette Europe et de cette Amérique où il fait « si bon » vivre. Rien ne les arrêtera… Comme Roland*, qui a déjà fait à deux reprises de la prison sur Alger et qui a été renvoyé dans son pays d’origine… Et que l’on retrouve quelques mois plus tard à nouveau sur Alger… Pourtant, personne ne quitte son pays le cœur léger ; et s’il y avait la possibilité d’y vivre décemment, ils y resteraient !
En tant qu’église, quelle est notre mission à leur égard ? Comment les accueillir et leur redonner une dignité ? C’est une question de cohérence avec l’évangile que nous proclamons. Pour Dieu, il n’y a pas de « laissé pour compte » : il a donné la vie de son Fils par amour pour le monde entier ! Exploités chez eux ou exploités chez nous… Peut-on laisser faire sans rien dire ? L’église qui vit de la bénédiction de Dieu se doit de partager avec ceux qui sont dans le besoin… Pas seulement pour avoir bonne conscience ! Lutter contre la misère commence par des gestes tout simples, comme ceux de refuser d’acheter des produits pas chers fabriqués dans des conditions de travail inhumaines. Lutter contre la misère commence par la prière… Et Dieu lui-même guidera nos mains pour qu’elles se tendent vers le prochain !

* Prénom fictif